Hommages à José Cintas
C’est avec une immense tristesse que l’Union Accordéoniste Mixte de Genève apprenait début août le décès de José Cintas, son directeur d’honneur, qui a dirigé la société de 1969 à 2000 et créé son école de musique.
José Cintas a marqué plusieurs générations de musiciens. Cinq de ses anciens élèves lui rendent hommage et racontent leur rencontre, sa personnalité, des souvenirs, une petite anecdote et ce qu’il leur a apporté.
« J’ai rencontré José en octobre 1993. Je suis allé écouter une répétition de l’UAM, et quand j’ai rencontré José, c’est comme si je le connaissais depuis toujours. Il avait le don de mettre les autres tout de suite à l’aise. Pas de chichis avec lui, on se fait la bise, quatre de préférence, on se tutoie et on boit un verre. Son accent du sud, sa moustache épaisse, une chemise bien repassée, bleue en général, un petit bedon, un rire généreux : voilà les images qui me viennent à l’esprit quand je pense à lui.
J’ai eu la chance de prendre des cours d’accordéon avec lui et il m’a transmis sa passion de l’accordéon, me faisant découvrir le répertoire russe pour bayan.

Claudine et José Cintas, 1985
Avec Claudine, José a contribué à développer la pratique de l’accordéon basses chromatiques à Genève. Il aimait jouer pendant les cours et j’ai toujours admiré sa dextérité et sa musicalité. J’ai ensuite pris des cours de direction. J’admirais sa direction élégante, fière et précise. Il nous a transmis plein de trucs et d’astuces que j’utilise encore aujourd’hui. En 2000, il m’a transmis la baguette de l’UAM, un geste qui m’a beaucoup touché, témoin de la confiance qu’il m’accordait.
Je me souviens d’interminables soirées après les répétitions au local du Vidolet, autour d’un bon verre (pour José c’était le whisky), d’un bon fromage (plus il puait, mieux c’était) et d’autres délices du terroir que José et Claudine amenaient au local. Au-delà de notre complicité musicale, une amitié profonde nous liait, et même si nous n’étions pas toujours d’accord, un lien très fort nous unissait.
Il y a une chose qui nous a tout de suite rapprochés : notre signe du zodiaque. Comme moi, José était scorpion, et entre scorpion, on se soutient ! C’est quelque chose qu’il évoquait souvent, pour justifier une remarque ou une action ou pour excuser son opiniâtreté. Car José était « tronchu », n’hésitant pas à pousser une bonne bouélée pour obtenir ce qu’il voulait, souvent avec raison. On savait toujours à quoi s’en tenir.
José c’était une personnalité haut en couleurs, avec une aura exceptionnelle, une source d’inspiration pour de nombreuses personnes par sa force de caractère, sa grande générosité et convivialité. Merci pour tout ce que tu m’as apporté, notre rencontre a marqué ma vie et je t’en serai éternellement reconnaissant. »
Pierrot

Claudine, José et l’UAM, 1982
« Ma première rencontre avec José:
Nous sommes en septembre 1983 à Yverdon-les-Bains, j’ai 17 ans. Ce qui me touche aussitôt, c’est son accent du Sud, chaleureux, les fameux « putaing ». Il déteste qu’on le vouvoie, qu’on l’appelle Monsieur. Moi, c’est José, dit-il et il faut me dire « tu », en faisant quatre bises. Il a cette facilité de nous mettre à l’aise, comme si nous nous connaissions depuis toujours.
La personnalité de José:
Sa compétence, son talent, sa faculté et passion de transmettre ses connaissances à autrui. Je pense aux nombreuses vedettes qu’il a accompagnées : Claude François à ses débuts, le Petit Prince, Nicoletta, Mouloudji et enfin Jacques Brel pour une tournée de deux ans. Exigeant et droit pendant le travail, que ce soit en cours, en orchestre, en bals avec son fils Bernard, batteur, en cours de Direction, en formation à son atelier de réparation et restauration d’instruments. Il est, avec Claudine, un précurseur de l’accordéon en nous faisant très vite découvrir les basses barytons ou chromatiques.
Une fois le boulot terminé, nous buvons volontiers un verre, une bière, le Ricard, du vin en mangeant, le whisky en fin de soirée, tout dépend du moment et de l’endroit. Bien plus qu’un professeur de par son côté bienveillant et l’intérêt qu’il porte à ses élèves.
Le caractère de José:
Je dirais « bouillonnant », typique des gens du Sud. Il n’hésite pas à pousser parfois des coups de gueule afin d’obtenir le résultat qu’il s’est fixé, ce dans toutes les matières qu’il enseigne.
Il a un grand cœur, il est généreux, dévoué et surtout persévérant. J’ai en mémoire son accident de mine où, pris sous un éboulement, cassé de partout, il repart à zéro, réapprend à jouer de ses instruments, accordéon et bandonéon en particulier, avec l’avantage de ses connaissances. Bien que ce fût difficile, il n’a rien lâché. C’est admirable et cela force le respect.
Une anecdote avec José:
Une kermesse de Noël à la salle communale d’Onex. L’endroit est plein à craquer et l’ambiance bruyante. Nous donnons concert avec l’UAM. Le bruit persiste et va même crescendo durant notre production. Soudain, en pleine exécution d’une pièce, José cesse de diriger, l’orchestre, peu à peu s’arrête de jouer, comme un canon, mais à l’envers. Il se retourne vers l’auditoire et imperturbable, prend la parole: « Mesdames, Messieurs, puisque ce que nous faisons ne vous intéresse guère, nous allons prendre congé en vous souhaitant de bonnes fêtes de Noël et de fin d’année. » Nous quittons la scène. Je n’ai jamais vécu cela auparavant. Grandiose !
Le souvenir que je garde de José:
Une vie passionnante, hors du commun, un parcours exceptionnel. Une belle rencontre, au bon moment. Une amitié fidèle de 37 ans, une admiration et une reconnaissance infinie. »
Jean-Claude Ray
« J’ai rencontré José pour la première fois à la Maison Onésienne, à la rentrée de 1995, j’ai 8 ans. J’ai envie d’apprendre l’accordéon et viens m’inscrire à ses cours.
Je sens de suite un contact chaleureux, l’accent du Sud.
Bien plus qu’un professeur, José est un « Papa » de l’accordéon. Une aisance rapide dans le dialogue et l’échange. Il a ces côtés protecteur, soucieux de ce qu’il peut nous arriver et familial avec ceux qu’il appelle affectueusement ses « merdeux ».
J’admire ses vastes connaissances en musique, que ce soit en cours individuel, en orchestre, en cours de direction, en formation à son atelier Accordéon Clinique. D’un caractère bien trempé, il est sérieux, exigeant au travail et une fois la tâche accomplie, il est un bon vivant, parfois même farceur, plaisantin, aimant rire, parler de tout et de rien en buvant un bon verre, partageant un bon repas au local de répétition, au restaurant et à son domicile où il avait plaisir à nous recevoir.
Je garde le souvenir de José comme un homme extraordinaire, d’une générosité débordante et la grande chance d’avoir fait sa connaissance, partagé tous ces bons moments vécus ensemble. »
Nelson Martins
« C’était mon premier professeur de musique !
Je me souviens du premier cours. J’avais 12 ans. J’étais un peu (beaucoup) stressé. Il m’a demandé mon prénom. J’ai dit : « heu oui, je m’appelle Güney… je sais c’est un peu bizarre… ».
Il m’a répondu : « Bizarre ?! Non pas du tout ! Ce n’est pas plus bizarre que mon accent ! Allez! Prends ton accordéon. » Et il s’est mis à rigoler.
C’est un moment qui peut paraître complètement anecdotique mais j’ai compris une chose essentielle à propos de lui.
C’était un homme généreux qui aimait partager son savoir et sa bonne humeur peu importe qui tu étais.
Mes condoléances à sa famille. »
Güney

Concert de Noël de l’UAM, 2005
« J’ai une anecdote qui remonte au siècle passé, quand j’étais encore au groupe 2, alors dirigé par Anne-Claude. José dirigeait l’ensemble mais ce soir-là il nous avait également dirigé pour remplacer Anne-Claude, absente.
Autant dire qu’il n’était pas trop satisfait de notre médiocre prestation, non pas tant dans les notes mais dans l’interprétation, le fait qu’il manquait la basse n’étant pas une excuse.
Il a fini par prendre l’accordéon d’un musicien pour nous montrer comment faire et jouer parfaitement les quatre voix à deux mains et de mémoire, alors qu’une heure plus tôt il ne connaissait même pas le morceau…
Autant dire que les ados que nous étions ne faisaient pas les fiers. »
Alain
« Je n’ai jamais été élève de José et je n’ai jamais joué sous sa baguette. Mais on ne pouvait pas passer à côté de ce « pilier » de l’UAM. Il me reste un souvenir, un détail qui m’a marqué. En janvier 2015, José accueillait les élèves de l’UAM et leurs parents dans son atelier « Accordéon Clinique » pour leur expliquer comment est fabriqué un accordéon. Sur la porte d’entrée, un panneau de bienvenue écrit de sa main et posé pour l’occasion dévoilait son grand cœur et le bonheur de partager sa passion de l’accordéon. »
Thérèse